Promulgation de la loi de transformation de la FP

09/08/2019

Validée par le Conseil constitutionnel — ses membres ayant jugé que le texte ne portait pas atteinte aux principes constitutionnels de « la participation », de « l’égal accès aux emplois publics » ou encore du « droit de grève » —, la loi du 6 août 2019 relative à la transformation de la fonction publique a été publiée au Journal Officiel du 7 août 2019.

Bien que son application reste conditionnée à la publication d’une cinquantaine de textes réglementaires et d’ordonnances, cette loi opère notamment une profonde simplification du cadre de gestion des agents publics et impacte très fortement la FPT, puisque 65 des 95 articles qu’elle contient concernent ce versant de la fonction publique. Plusieurs dispositions du texte entrent en vigueur dès sa publication, alors que les autres dispositions entreront en vigueur, pour l’essentiel, à compter du 1er janvier 2020.

Retour rapide sur les principales dispositions du texte susceptibles d’impacter la filière de l’enseignement artistique1.

Transformer et simplifier la gestion des ressources humaines

Tel est l’intitulé du titre II2 de cette loi qui entend donner « une nouvelle souplesse » à la fonction publique qui concerne aujourd’hui environ 5,5 millions agents publics3 dont 1,28 million de contractuels.

L’élargissement du recours au contrat sur emploi permanent dans la FPT est très certainement l’aspect le plus saillant de cette loi qui ne fait que poursuivre la politique engagée depuis la loi de 20054 avec l’introduction du contrat à durée indéterminée (CDI) dans la fonction publique, conformément à certaines dispositions du droit communautaire relatives à la fonction publique. Pour mémoire, un agent territorial sur cinq est actuellement en situation de contractuel.

Encadrement du recrutement des contractuels avec la mise en place d’une procédure.

Le recrutement de contractuels sur emploi permanent sera prononcé à l’issue d’une procédure définie par décret en Conseil d’État afin de favoriser la transparence et de garantir l’égal accès aux emplois publics5. Les modalités de cette procédure pourront être adaptées au regard du niveau hiérarchique, de la nature des fonctions ou de la taille de la collectivité territoriale ou de l’établissement public ainsi que de la durée du contrat de l’agent.

L’instauration des contrats de projet

Le texte prévoit la création, dans les trois versants de la FP, d’un nouveau type de contrat à durée déterminée d’une durée d’un à six ans, n’ouvrant aucun droit à une titularisation ou à un CDI, dénommé « contrat de projet » et permettant la mobilisation de compétences externes pour la conduite ou la mise en œuvre d’un projet spécifique6. Le contrat prend fin avec la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu et, de ce fait, ne devrait donc pas concerner les emplois “permanents” tels que ceux d’enseignants.

Extension du régime dérogatoire de recours aux contractuels

C’est très certainement sur ce point que cette nouvelle loi affectera de façon importante la filière de l’enseignement artistique. Les possibilités pour les employeurs territoriaux de déroger au principe de l’occupation des emplois permanents par des fonctionnaires sont sensiblement élargies au travers de l’article 21 qui étend la possibilité de recruter des agents contractuels sur emploi permanent aux agents de catégories B et C, en fonction de la taille des collectivités.

Les communes de moins de 1 000 habitants et les groupements de  communes de moins de 15 000 habitants peuvent recruter des contractuels sur des emplois permanents à temps complet ou à temps non complet quelle que soit la quotité de temps. Cette dérogation est prévue également pour les communes nouvelles issues de la fusion de communes de moins de 1 000 habitants, pendant une période de trois années suivant leur création, prolongée, le cas échéant, jusqu’au premier renouvellement de leur conseil municipal suivant cette même création, pour tous les emplois.

Les autres collectivités territoriales ou établissements publics peuvent recruter des contractuels pour tous les emplois à temps non complet lorsque la quotité de temps de travail est inférieure à 50%.

Inscription dans le statut général des principes de fixation de la rémunération des agents contractuels

L’article 28 modifie l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983, relatif à la rémunération des contractuels et précise que celle-ci «est fixée par l’autorité compétente en tenant compte des fonctions exercées, de la qualification requise pour leur exercice et de leur expérience. Elle peut tenir compte de leurs résultats professionnels et des résultats collectifs du service. ». Les principes relatifs à la fixation de la rémunération des agents contractuels sont désormais inscrits dans le statut général de la fonction publique.

Pour mémoire, l’article 1-2 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, relatif aux contractuels de la fonction publique territoriale précise que : « Le montant de la rémunération est fixé par l’autorité territoriale en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l’agent ainsi que son expérience. La rémunération des agents employés à durée indéterminée fait l’objet d’une réévaluation au moins tous les trois ans, notamment au vu des résultats des entretiens professionnels prévus à l’article 1-3 ou de l’évolution des fonctions. La rémunération des agents employés à durée déterminée auprès du même employeur en application de l’article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 (…) fait l’objet d’une réévaluation, notamment au vu des résultats des entretiens professionnels prévus à l’article 1er-3 ou de l’évolution des fonctions, au moins tous les trois ans, sous réserve que celles-ci aient été accomplies de manière continue ».

Formation d’intégration pour les contractuels sur emploi permanent

Signe qu’ils sont bien des agents publics à part entière (le statut en moins…!), les agents contractuels recrutés pour occuper un emploi permanent auront désormais l’obligation de suivre une formation d’intégration, lorsque le contrat est conclu pour une durée supérieure à un an7.

L’instauration d’une indemnité de précarité

Pour les contrats pris en application du 1° de l’article 3 et des articles 3-1, 3-2 et 3-3, une indemnité de fin de contrat peut être versée à l’agent lorsque ces contrats sont d’une durée inférieure ou égale à un an et lorsque la rémunération brute globale prévue dans ces contrats est inférieure à un plafond fixé par décret. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsqu’au terme du contrat ou de cette durée, les agents sont nommés stagiaires ou élèves à l’issue de la réussite à un concours, ou qu’ils bénéficient du renouvellement de leur contrat ou de la conclusion d’un nouveau contrat, à durée déterminée ou indéterminée, au sein de la fonction publique territoriale8.

Suppression de l’obligation faite aux employeurs publics locaux de nommer en tant que fonctionnaire stagiaire un agent contractuel admis à un concours

De très nombreux lauréats des deux dernières vagues de concours (ATEA et PEA) ont pu bénéficier d’une titularisation grâce à l’application de l’article 3-4 de la loi du 26 janvier 1984 qui prévoit que “lorsqu’un agent non titulaire recruté pour pourvoir un emploi permanent sur le fondement des articles 3-2 ou 3-3 est inscrit sur une liste d’aptitude d’accès à un cadre d’emplois dont les missions englobent l’emploi qu’il occupe, il est, au plus tard au terme de son contrat, nommé en qualité de fonctionnaire stagiaire par l’autorité territoriale.

L’article 24 supprime cette obligation. La nouvelle rédaction de l’article 3-4 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit que l’agent “peut être nommé stagiaire” au plus tard au terme de son contrat. La réussite au concours cesse donc d’être une obligation et devient une simple faculté pour l’employeur. La nomination prononcée en pareil cas n’a plus à être précédée d’une déclaration de vacance de l’emploi concerné, ni de sa publicité.

Les concours de la FPT

L’article 89 modifie certaines dispositions relatives à l’organisation des concours d’accès à la FPT affectant à double titre l’enseignement artistique.

Ainsi, en vertu de l’article 89, lorsque plusieurs centres de gestion organisent, simultanément, un concours permettant l’accès à un emploi d’un même grade, les candidats ne peuvent pas figurer sur plusieurs listes des admis à participer, quelles que soient les modalités d’accès au concours. cette disposition met ainsi fin à la possibilité de présenter plusieurs disciplines pour un même concours dès lors qu’ils sont organisés par des Centres de gestion distincts et remet également en cause la possibilité qu’offrait jusqu’alors les statuts particuliers de présenter simultanément le concours externe et interne — voire le troisième concours — dans une même discipline. Les modalités d’application de cette disposition seront précisées par décret et l’application de cette disposition va nécessiter la publication des listes d’admission à concourir sur un site unique permettant une telle vérification.

L’article 89 favorise le développement du recrutement sur titres, quelle que soit la filière de la FPT. Cette extension des concours sur titres — jusqu’alors réservés aux seules  filières sociale, médico-sociale et médico-technique — à l’ensemble des filières d’emplois vise “à faciliter les recrutements dans la filière artistique : les procédures de recrutement seraient simplifiées pour les candidats qui ont déjà obtenu un diplôme d’État.” Pour information, pour faire face aux difficultés des collectivités territoriales dans leurs recrutements de personnels titulaires, la procédure pour les filières sociale, médico-sociale et médico-technique a été simplifiée ; ces concours et examens professionnels peuvent notamment consister en une « sélection » opérée par le jury au vu soit des titres, soit des titres et travaux des candidats. Cette sélection doit être « complétée » par un entretien oral avec le jury et, le cas échéant, par des épreuves complémentaires.

Si cette disposition ne modifie pas de façon substantielle le concours externe — encore que la disparition du dossier professionnel soit importante —, il faudra attendre la parution des textes pour mesurer les conséquences sur la voie interne des concours (ATEA et PEA) et sa troisième voie pour le grade des ATEA.

Renforcer les obligations des fonctionnaires territoriaux momentanément privés d’emploi (FMPE)

Le régime de prise en charge par le CNFPT et les centres de gestion des fonctionnaires momentanément privés d’emploi (les FMPE, c’est-à-dire ceux dont l’emploi a été supprimé) est modifié. Il prévoit la possibilité d’un reclassement dans un des autres versants de la fonction publique (FPE, FPH) et renforce le mécanisme de dégressivité de la rémunération.

La prise en charge des FMPE cesse au moment où ils remplissent les critères nécessaires à l’admission à la retraite à taux plein. Ils ne peuvent donc plus être maintenus jusqu’à l’âge limite et bénéficier d’une surcote tout en continuant à ne pas occuper d’emploi.

Vers la fin du statut ?

Bien d’autres dispositions portant notamment sur le dialogue social ou sur l’égalité professionnelle viennent compléter cette loi.

Cela étant, c’est principalement sur les aspects RH que portent les modifications les plus importantes. Elles visent à donner aux employeurs territoriaux davantage de souplesse et elles empruntent beaucoup aux outils du secteur privé : rupture conventionnelle, licenciement, rémunération au mérite collectif, procédure disciplinaire révisée, droit de grève limité dans les collectivités, etc.

Cette souplesse pourrait se traduire à terme par la coexistence un secteur recouvrant des fonctions « de souveraineté » limitativement énumérées, nécessitant l’emploi majoritairement d’une fonction publique de carrière (et minoritairement des contractuels de droit public) et des secteurs délimités « par défaut » où les fonctions exercées peuvent l’être à partir d’une fonction publique « d’emploi » et donc par des contractuels de droit privé…

Il faut ici rappeler que le recrutement de titulaires représente aujourd’hui moins d’une entrée sur quatre  pour les trois versants de la fonction publique. C’est néanmoins une transformation profonde de la fonction publique qui est proposée. Celle-ci se fera-t-elle dans le respect de ses valeurs et de ses principes ? Cela dépendra beaucoup de la manière avec laquelle les employeurs publics se saisiront de la liberté qui leur est offerte, notamment en matière de recrutement.

On notera au passage que l’État admet donc la présence dans la fonction publique d’agents contractuels dont les contrats sont reconduits six années de suite, avant un éventuel passage en CDI … en toute illégalité par rapport au droit privé où la durée totale du contrat de travail à durée déterminée ne peut excéder dix-huit mois (article L. 1242-8 du Code du travail).

Le risque d’une plus grande précarisation des enseignants est patent, tout comme celui de voir se développer des établissements d’enseignement artistique à “géométrie statutaire” très variable. De ce point de vue, l’assouplissement des critères de classement qu’annonce la Direction générale de la création artistique (DGCA/MCC) ne peut que renforcer la crainte de voir ainsi profondément remis en cause le “réseau” national des conservatoires dans les prochaines années…


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  1. Voir également billet du 22 juin  et billet du 30 juin.
  2. L’exposé des motifs du projet de loi adopté en conseil des ministres fin mars 2019 assignait 5 objectifs à cette réforme, chacun de ces objectifs donnera lieu à un « titre » de la loi :
    – Promouvoir un dialogue social plus stratégique et efficace dans le respect
    des garanties des agents publics ;
    – Transformer et simplifier la gestion des ressources humaines ;
    – Simplifier le cadre de gestion des agents publics ;
    – Favoriser la mobilité et accompagner les transitions professionnelles des
    agents publics ;
    – Renforcer l’égalité professionnelle.
  3. Répartis entre l’État (44%), les collectivités territoriales (35%) et les hôpitaux (21%).
  4. LOI n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.
  5. Article 15.
  6. Article 17.
  7. Article 21.
  8. Article 24.

1 Comment

  • Grand merci pour ces commentaires de la Loi du 6 août.
    Parlant de la filière culturelle, vous parlez indirectement de manière beaucoup plus large, me semble t-il ….

    A noter :
    Quand j’ai souhaité intervenir quelques instants lors de la réunion plénière de mon conservatoire sur cette dernière et les changements induits, j’ai pu noter une absence totale d’information et même d’intérêt pour le sujet…. de la part de collègues qui se targuent pourtant d’être réactifs, intelligents… et de la part d’une administration qui normalement devrait en être informée par sa hiérarchie….
    Un bide totale donc, pour une ‘transformation’ majeure qui me parait se faire au détriment des jeunes, et du terrain. Donc au détriment des enfants…?
    bien à vous

    marytii
    Posted 2 octobre 2019 at 9h18

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