17/05/2020
Fribourg, Munich, Bamberg, Berlin, …, l’Allemagne qui fait figure d’exception dans sa gestion de l’épidémie — le pays compte à ce stade quatre fois moins de morts que la France — n’oublie pas ses orchestres dont elle aimerait voir reprendre les activités au plus tôt, dans le respect de la sécurité sanitaire de ses musiciens dans un premier temps, avant de pourvoir à nouveau accueillir du public dans ses nombreuses salles de concert et d’opéra.
Quatre études en cours ou achevées ont été diligentées par les responsables de diverses formations orchestrales, dans l’optique d’un retour sur scène, à l’horizon de l’automne 2020.
Comme très souvent de l’autre côté du Rhin, l’approche pragmatique l’emporte sur les jeux de posture qui caractérisent si souvent le dialogue social (de sourds ?) propre à la France. Peut-être faut-il ici rappeler qu’en Allemagne le terme de dialogue social n’existe pas, du fait de l’existence d’un système dual de négociation sociale qui repose sur le fameux concept du « Friedenspflicht ». Ce terme, que l’on pourrait traduire par « obligation de paix » fait que la grève est interdite dans ce pays, en dehors des périodes de renégociation des accords de branche, dont la validité est le plus souvent de l’ordre de deux ans. Place à la discussion, donc !
Face à cette crise sanitaire totalement inédite et dans la période de dé-confinement progressif qui débute à peine, l’accent mis par les autorités sanitaires de l’ensemble des pays concernés sur la question de la responsabilité de chacun face à l’épidémie, apparait comme fondamental. A cet égard, la lecture de ces quatre études témoigne de cette prise de conscience qui allie responsabilité collective de l’employeur et responsabilité individuelle du salarié — ici un musicien d’orchestre, mais il pourrait s’agir tout autant d’un professeur de conservatoire.
Ces études, bien que réalisées avec la participation de médecins, voire d’épidémiologistes, portent avant tout sur des aspects d’ordre physique. Confiées à des chercheurs en mécanique des fluides et aérodynamique, elles traitent donc principalement de la question du déplacement d’air (en lien direct avec la problématique des aérosols) et de l’écoulement de l’eau de condensation pour les instrumentistes à vent, ainsi que de l’organisation de l’espace permettant le respect des préconisations sanitaires générales, en termes de distanciation physique des musiciens sur scène. Tout en rappelant quelques fondamentaux (parfois largement ignorés des musiciens professionnels eux-même) quant à la cinétique des déplacements d’air propre à chacune des familles d’instruments à vent, elles ont le mérite de permettre à chacun (et donc à un collectif professionnel) de mieux appréhender les protocoles pouvant être mis en place pour permettre d’envisager une reprise d’activité, même si celle-ci doit se faire en « mode dégradé », pour reprendre un terme militaire qui a fait florès ces derniers temps au sein des administrations !
Le caractère infectant d’un virus est un phénomène complexe, très difficile à appréhender, notamment quand la dose infectante n’est pas connue, c’est-à-dire la quantité de virus suffisante au contact de la muqueuse pour générer une infection. Elle est par ailleurs dépendante des défenses immunitaires du patient et de l’état des muqueuses comme le rappelle le Haut Conseil de la santé publique1. De fait, ces études physiques devront être nécessairement complétées par des études de type épidémiologique qui, elles seules, peuvent permettre — mais avec le temps ! — d’évaluer l’impact des actions de prévention et des actions curatives qui auront pu être mises en place.
Aussi et en l’absence de données de ce type — ce qui est bien évidemment le cas avec l’épidémie nouvelle en cours —, seuls des modèles mathématiques de prédictions peuvent être mobilisés pour tenter de faire des projections quant à son évolution et cela, indépendamment de toutes les mesures de protection (les fameux gestes « barrières ») qui doivent être observés aujourd’hui.
Poursuivant mon travail de traduction, vous trouverez ICI la version française de l’étude de Berlin qui peut être très utile pour envisager différents scénarios de reprise des activités de pratiques collectives au sein des établissements d’enseignement artistique, si toutefois cette pandémie devait se prolonger au delà de la prochaine rentrée scolaire !
Je souhaite à tous les lecteurs d’indovea, nombreux et que je remercie de leur fidélité, le meilleur dans cette période si difficile et je ne doute pas que, toutes et tous, restez mobilisés pour permettre la reprise des conservatoires dans de bonnes conditions, tant pour vos élèves que pour tous les professionnels qui y travaillent !
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6 Comments
Merci pour tous ces éclaircissements, vraiment, y aurait-il la même chose pour le chant choral ?
NB
Voir ici : https://indovea.org/2020/05/04/covid-19-%e2%80%a2-evaluation-des-risques-dune-infection-dans-le-domaine-de-la-pratique-musicale/#Chant_choral
Nicolas Stroesser
J’espère que votre pondération contribue à élever les débats actuels, passionnels et très peu documentés, la panique étant mauvaise conseillère. Un grand merci !
Marie-Claire DELAY
Merci beaucoup pour cette publication
N.Cardoze
Nicolas Cardoze
Merci pour cette nouvelle publication qui, comme les précédentes, apporte beaucoup d’informations intéressantes.
brassbandborgiaq
Merci Nicolas!
Bonne base pour ré-agencer nos salles pour la rentrée de septembre…
Sylvie Chabert