09/09/2021
Dans six jours s’ouvrira la période de retrait des dossiers d’inscription sur les différents sites des centres de gestion organisant les épreuves des concours et examens pour l’accès au cadre d’emplois des assistants territoriaux d’enseignement artistique. L’occasion de faire un point d’étape et de souligner à quel point la filière de l’enseignement artistique spécialisée est soumise à rude épreuve depuis de nombreuses années !
Une baisse drastique du nombre de postes ouverts aux concours !
La comparaison entre le nombre de postes ouverts en 2018 et 2022 parle d’elle-même1 ! 2467 postes étaient ouverts aux trois voies de concours du deuxième grade2 (externe, interne et 3ème voie) en 2018. Pour 2022, seuls 667 sont déclarés par les Cdg sur ce même grade d’ATEAP 2ème classe, soit une baisse de 73%…
Comment expliquer un tel effondrement ?
Avant d’aller plus loin, rappelons tout d’abord que les collectivités territoriales, qu’elles soient ou non affiliées à un Centre de gestion, sont en principe tenues de définir leurs besoins en matière de recrutement afin d’actualiser le calendrier prévisionnel des concours et examens professionnels. Ces opérations de recensement sont capitales car ce sont elles qui permettent de déterminer l’opportunité d’organiser les concours et examens et, surtout, de fixer le nombre de postes à ouvrir. Certes, il n’est pas toujours facile pour une collectivité de savoir si elle va recruter ou non, mais une estimation peut être réalisée en anticipant certains évènements dans le cadre de sa gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) : départs à la retraite et mobilités, création ou ouverture d’un équipement, création d’une nouvelle activité ou d’un nouveau service dans la collectivité, création de postes du fait de l’augmentation de la population, des transferts de compétences, etc.
Bien évidemment, il faut aussi tenir compte des postes qui sont pourvus par des agents contractuels et pour lesquels des nominations sont envisageables (emplois permanents). La filière culturelle est ici particulièrement concernée car le nombre d’agents non titulaires y est très important.
Rappelons enfin que ce recensement ne constitue en aucun cas un engagement des collectivités quant aux décisions ultérieures de nomination : les données collectées sont exclusivement destinées à établir le nombre de postes ouverts aux concours3.
Une très longue période sans concours
Un précédent billet faisait état de cette invraisemblable incohérence statutaire qui a empêché l’organisation des concours entre 2011 et 2018 ! Difficile dans ces conditions de nier le fait qu’un déséquilibre structurel s’est installé au sein de la filière de l’enseignement artistique spécialisé, suite à l’ouverture d’un nombre massif de postes en 2018, lesquels ont été pourvus par de jeunes et moins jeunes lauréats de cette session de concours. Cela étant et au vu notamment du nombre de contractuels qui exercent dans cette même filière, cet état de fait ne peut à lui seul expliquer ce nombre restreint de postes ouverts pour 2022.
Une confusion de grade préjudiciable
Si certains centres de gestion adressent aux collectivités un tableau qui permet de distinguer clairement les postes relevant du 1er grade — Accompagnement Musique ou danse et Art dramatique uniquement — de ceux qui relèvent du grade d’ATEA principal de 2ème classe — 34 disciplines pour les trois spécialités danse, musique et théâtre —, force est de constater que d’autres continuent d’adresser des formulaires qui ne distinguent ni les grades, ni même les disciplines. S’ajoute à cela le fait que nombre de contractuels sont recrutés en référence au premier grade, alors qu’ils enseignent des disciplines qui ne peuvent appartenir qu’au grade d’ATEAP de 2ème classe. Là encore les chiffres parlent d’eux mêmes : 453 postes sont ouverts pour les concours du 1er grade auxquels ne pourront se présenter que les accompagnateurs et les enseignants d’art dramatique.
En 2018, 519 postes avaient été ouverts et seuls 58 effectivement attribués pour la « bonne » discipline, soit une perte sèche de 461 postes !
Un double effet covid
Les procédures de recensement se sont déroulées durant le premier trimestre de l’année 2021 et il est fort probable que le mode de fonctionnement dégradé des collectivités, du fait de la crise sanitaire, ait en partie impacté la qualité du travail de récolement.
Mais la crise sanitaire a aussi eu pour conséquence de suspendre de façon prolongée le décompte de la période de quatre ans pour l’inscription sur la liste d’aptitude4. Pour mémoire, elle a été suspendue une première fois du 12 mars 2020 au 23 juillet 2020 (134 jours)5 et une seconde fois du 1er janvier 2021 au 31 octobre 2021 (303 jours)6.
Bien entendu, il ne s’agit pas de critiquer cette prorogation tout à fait légitime et qui a permis à un certain nombre de lauréats de la session 2018 de ne pas perdre le bénéfice du concours qu’ils ont réussi. En revanche, elle a empêché de « toiletter » ces mêmes listes sur lesquelles on peut hélas constater que figurent encore des candidats qui, depuis, ont été nommés en tant que titulaires sur un poste. Or, dans le décompte qu’effectuent les centres de gestion à l’issue de leur campagne de recensement, ces faux candidats continuent de bloquer leur poste sur la liste d’aptitude ! Là se trouve très certainement une partie de l’explication de la non-ouverture du concours dans 5 disciplines7.
À cet égard, il pourrait être intéressant que la profession se mobilise sur ce point afin d’alerter les lauréats de la session de 2018 pour qu’ils vérifient s’ils figurent encore sur la liste d’aptitude du Cdg dans lequel ils ont passé leur concours. Auquel cas, il faudrait qu’ils informent le Cdg de leur nomination et peut-être serait-il alors encore possible de ré-évaluer le nombre de postes à ouvrir au travers d’un arrêté modificatif, d’ici le 7 février 2022.
L’autre partie de l’explication donnée à ce jour pour cette non-ouverture porte sur les contraintes liées à la situation sanitaire actuelle qui ne permettent pas d’envisager l’ouverture immédiate de ces disciplines dans les conditions garantissant le déroulement sécurisé des épreuves, tant pour les candidats, que pour les jurys ou les élèves sujets.
Cela étant, il est aussi précisé que les centres de gestion ne manqueront pas de procéder à l’ouverture des disciplines concernées dès que les conditions le permettront. Il serait en effet tout à fait préjudiciable que ces disciplines ne puissent être ouvertes au concours avant la prochaine session qui devrait être organisée en 2026.
Vers un recours accru au CDI de droit public ?
La loi du 6 août 2019 relative à la transformation de la fonction publique entendait donner « une nouvelle souplesse » à la fonction publique. L’élargissement du recours au contrat sur emploi permanent dans la FPT est très certainement l’aspect le plus saillant de cette loi qui ne fait que poursuivre la politique engagée depuis la loi de 2005 avec l’introduction du contrat à durée indéterminée (CDI) dans la fonction publique, conformément à certaines dispositions du droit communautaire relatives à la fonction publique. Les possibilités pour les employeurs territoriaux de déroger au principe de l’occupation des emplois permanents par des fonctionnaires sont sensiblement élargies en permettant de recruter des agents contractuels de catégories B sur emploi permanent. Rappelons qu’actuellement, un agent territorial sur cinq est en situation de contractuel. Pour le cadre d’emplois des ATEA, on compte près de 40% de contractuels.
Le faible nombre de postes déclarés traduit-il la volonté qu’auraient aujourd’hui les collectivités à recourir, notamment pour les enseignants artistiques, au contrat de préférence au statut ? La question est clairement posée au travers de cette session de concours et elle ne semble pas concerner que cette filière !
Cela étant, un concours aura bien lieu en 2022, alors bonne chance à tous et à toutes et bonne préparation !
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- Ces chiffres ne prennent pas en compte la spécialité Arts plastiques pour laquelle on peut également observer une baisse très sensible du nombre de postes ouverts en 2022 : 16 postes contre 47 en 2018 pour le premier grade et 13 contre 81 pour le deuxième grade.
- ATEA principal de 2ème classe.
- Voir billet sur les « Reçus-collés ».
- Cf. quatrième alinéa de l’article 44 de la loi du 26 janvier 1984.
- Ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.
- Ordonnance 2020-1694 du 24 décembre 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.
- Direction d’ensembles vocaux, Direction d’ensembles instrumentaux, Harpe, Musique électroacoustique et Musiques traditionnelles.