Depuis la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001, la durée annuelle de temps de travail dans les collectivités est fixée à 1607 heures pour un équivalent temps plein. Cela étant, le maintien des régimes dérogatoires mis en place antérieurement à son entrée en vigueur était, jusqu’alors, autorisé. Tel n’est plus le cas avec la loi dite de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 qui exige la mise en place obligatoire, au 1er janvier 2022, des 1607 heures au sein des collectivités et, par conséquent, instaure la suppression des régimes de temps de travail existant et pouvant être plus favorables aux agents1. L’occasion, semble-t-il, pour certaines collectivités (et non des moindres) de reconsidérer la question du temps de travail des enseignants artistiques sous l’angle des congés scolaires…
D’une manière générale, le régime de droit commun relatif au temps de travail est fixé par l’article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 et précisé par l’article 1 du décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail (ARTT) dans la fonction publique de l’État et dans la magistrature qui dispose que « La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l’État ainsi que dans les établissements publics locaux d’enseignement. Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d’être effectuées. (…) »
Cela étant et comme le stipule l’article 7 du décret n°2001-623 du 12 juillet 2001, ces dispositions ne sont pas applicables aux enseignants de la fonction publique territoriale, puisque précisément soumis à un régime d’obligation de service (ROS) de 20h ou 16h comme l’indiquent les statuts particuliers des deux cadres d’emplois d’ATEA et de PEA2. Dit autrement, cet article 7 dispose, de façon certaine, que les enseignants artistiques sont hors du champ d’application des dispositions liées à l’aménagement du temps de travail.
L’article 47 de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 vise clairement à harmoniser la durée du temps de travail pour l’ensemble des agents de la fonction publique territoriale (fonctionnaires, stagiaires, agents contractuels), en supprimant les régimes dérogatoires à la durée légale qui sont antérieurs à la loi du 3 janvier 2001 :
« I.- Les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés au premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ayant maintenu un régime de travail mis en place antérieurement à la publication de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale disposent d’un délai d’un an à compter du renouvellement de leurs assemblées délibérantes pour définir, dans les conditions fixées à l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les règles relatives au temps de travail de leurs agents. Ces règles entrent en application au plus tard le 1er janvier suivant leur définition. »
Pour autant, il est important de rappeler ici que cette abrogation ne concerne ni les régimes de travail spécifiques établis pour tenir compte des sujétions particulières liées à la nature des missions de certains agents publics, ni les cadres d’emplois dotés de règles spécifiques telles que le régime d’obligation de service. Les cadres d’emplois d’ATEA et de PEA ne sont donc, en aucun cas, concernés par cet article 47 de façon directe.
Faut-il alors ne pas s’inquiéter de la situation ? Pas si sûr, à voir les tentations de certaines collectivités !
En effet et bien que portant sur la question de la durée du temps de travail (1607h), la question des congés annuels s’est invitée dans le débat car certaines collectivités, persuadées d’être dans les clous puisque leurs agents travaillant bien 35h par semaine, ont fait le constat qu’il n’en était rien, du fait de nombreux jours de congés accordés aux agents, en dehors de toute base légale : Journées du maire, d’ancienneté, de compensation de jours fériés tombant un week-end, de « jour d’hivers » (Paris), … ces congés « extra-légaux » peuvent représenter jusqu’à 13 jours supplémentaires. C’est donc bien à tous ces régimes dérogatoires que l’État a voulu ainsi mettre un terme.
Outre les cadres d’emplois dotés de règles spécifiques (les enseignants et les sapeurs-pompiers professionnels), cette abrogation ne concerne pas, non plus, les régimes de travail spécifiques établis pour tenir compte des sujétions particulières liées à la nature des missions de certains agents publics (travail de nuit, travail le dimanche, travail en horaires décalés, travaux pénibles ou dangereux). Le fondement juridique se trouve dans l’article 2 du décret ci-dessus mentionné (décret du 12 juillet 2001) : « L’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement peut, après avis du comité technique compétent, réduire la durée annuelle de travail servant de base au décompte du temps de travail défini au deuxième alinéa de l’article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé pour tenir compte de sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent, et notamment en cas de travail de nuit, de travail le dimanche, de travail en horaires décalés, de travail en équipes, de modulation importante du cycle de travail ou de travaux pénibles ou dangereux. »
C’est ainsi que certains syndicats et certaines collectivités ont pensé avoir trouvé là une faille pouvant permettre de faire reconnaître une contrainte spécifique pesant sur les agents (une « sujétion ») afin de la compenser par une réduction de la durée du travail, si possible à proportion des congés perdus et pour tous les agents. La réalité est toute autre, puisque qu’il parait pour le moins difficile de démontrer que l’ensemble des fonctionnaires exercent des métiers soumis à contraintes spécifiques et/ou ayant un caractère de pénibilité.
Profitant de la dynamique engendrée par ce vent de réforme, certaines collectivités en sont venues à s’interroger sur le caractère spécifique des congés dont bénéficient les enseignants artistiques, comme en atteste cette délibération prise ce mois-ci par une communauté de communes située en Nouvelle-Aquitaine et qui met fin, à compter du 1er janvier 2022, au régime dérogatoire de congé payés dont bénéficient les agents en charge de l’enseignement artistique (ATEA).
Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de la commune de Roncq qui avait pris, en décembre 2018, une délibération similaire précisant que « les professeurs accueillent désormais les élèves qui le souhaitent lors des vacances scolaires, dans le cadre de stages thématiques « . Une délibération contestée par les enseignants et un syndicat et dont le jugement de première instance rendu récemment ne permet, hélas, toujours pas de trancher.
Dans une réponse ministérielle publiée en 2018, le ministre de la Fonction publique énonce que « les dispositions législatives et réglementaires applicables [aux] cadres d’emplois [de l’enseignement artistique] ne font pas référence à un rythme de travail déterminé en fonction du calendrier scolaire. Cela étant, la question ici posée pourrait bien être, précisément, de savoir s’il est possible de considérer comme « dérogatoires » des congés scolaires qui ne sont pas des congés annuels. Dit autrement, existe-t-il une base légale pouvant justifier d’une organisation annuelle du régime d’obligation de services des enseignants artistiques ? À défaut d’un texte réglementaire3, il appartiendra aux juges administratifs de se prononcer sur le fond. Une procédure d’appel est en cours dans le cas du contentieux avec la commune de Roncq.
Mais d’une manière plus large, ne serait-il pas temps que l’on parvienne, enfin, à faire coïncider le principe de libre administration (article 72 de la constitution) avec celui de parité avec la fonction publique d’État, lequel n’est consacré par aucun texte mais qui existe bel et bien au travers la jurisprudence administrative du Conseil d’État ?
NB : Rappelons que, contrairement à une idée encore très répandue, les vacances scolaires ne constituent pas un élément du statut des professeurs de l’Éducation nationale et n’oublions pas que ce sont les élèves qui sont en vacances. Il n’y a donc pas lieu d’assimiler congés annuels (un droit pour tout fonctionnaire) et congés « scolaires » ! Ces derniers relèvent d’une forme de « droit coutumier » et ne reposent sur aucun fondement juridique établi, hormis la référence au calendrier scolaire (voir note 3). Pour autant et à la différence de la situation des enseignants de la FPT, elles ne sont pas régulièrement remises en cause par le ministre de l’Éducation nationale , quand bien même certains s’y sont risqués, …lesquels ont cependant très vite fait marche arrière !
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- Selon l’ANDRHDT (données 2019), 57 % des collectivités n’appliquent pas les 1 607 heures. La durée moyenne par agent s’élève à 1572 heures travaillées, la plus basse à 1481.
- Assistant territorial d’enseignement artistique et professeur d’enseignement artistique.
- Comme c’est le cas pour les enseignants de l’Éducation nationale : voir article 2 du décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré : « Dans le cadre de la réglementation applicable à l’ensemble des fonctionnaires en matière de temps de travail et dans celui de leurs statuts particuliers respectifs, les enseignants mentionnés à l’article 1er du présent décret sont tenus d’assurer, sur l’ensemble de l’année scolaire un service d’enseignement dont les maxima hebdomadaires sont les suivants [selon corps].
2 Comments
Notre commune, à une époque, voulait nous faire travailler pendant les petites vacances ce à quoi nous avons demandé dans ce cas là une égalité de traitement avec les autres employés de la mairie, à savoir un instrument professionnel, une salle spécifique pour chacun des enseignants à plein temps, un ordinateur pouvant nous permettre de travailler nos arrangements, et de faire cours pendant les heures de présence de la majeure partie des employés de mairie et de pouvoir prendre nos congés quand on le voulait comme nos collègues. Là maire à l’époque a abandonné !
Adnet
Bonjour Nicolas
Nous nous retrouvons exactement dans cette situation de communauté de commune qui revient sur l’aménagement de notre temps de travail et veut nous faire travailler pendant les vacances scolaires, mois de juillet y compris.
Quel recours avons nous par rapport à cette situation, comment pouvons nous valoriser tout le temps de préparation de projet que nous faisons pendant ces temps de non présentiel avec les enfants, ainsi que le temps de préparation chaque semaine correspondant au déroulement de chaque séance.
Comment pouvons nous quantifier ce temps? Pouvez vous nous conseiller ?
Cordialement
Fabienne
Soudée