Refonte des services centraux du ministère, quelle place pour les conservatoires ?

11/01/2021
Une nouvelle organisation du ministère de la culture est effective depuis le 1er janvier, date de parution au Journal officiel d’une série de textes règlementaires relatifs aux missions et à l’organisation de l’administration centrale. Des changements qui pourraient s’annoncer significatifs pour les établissements d’enseignement artistique.

Cette réorganisation s’inscrit dans cadre du plan Action publique 2022, un programme lancé par le Gouvernement à la fin de l’année 2017 et censée accélérer la transformation de l’administration afin, disait-on alors, d’améliorer la qualité des services publics.

Pour le ministère de la Culture, cette transformation visait à “renforcer [son] action et sa lisibilité en vue de permettre l’accès de tous nos concitoyens à la vie culturelle, développer les échanges avec les territoires et renforcer la coordination de l’enseignement supérieur culturel” et passait par la création d’une nouvelle délégation dont la préfiguration a été confiée à Nöel Corbin, inspecteur général des affaires culturelles. Trois enjeux figuraient dans sa lettre de mission :

  • Mieux garantir l’accès de tous nos concitoyens à l’offre et aux pratiques culturelles en amplifiant tous les dispositifs relevant de l’éducation artistique et culturelle (en liaison avec le ministère de l’Éducation nationale de la Jeunesse et des Sports) et en mobilisant le “Pass Culture” ;
  • Faire de la culture un levier pour l’attractivité des territoires ;
  • Coordonner la politique ministérielle d’enseignement supérieur et de recherche.

Une nouvelle délégation

Voilà qui est chose faite avec l’apparition d’une nouvelle délégation — la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle —, qui s’ajoute aux trois précédentes directions générales que sont la direction générale des patrimoines et de l’architecture, la direction générale de la création artistique et la direction générale des médias et des industries culturelles.

Cette nouvelle délégation qui comprend la sous-direction de la participation à la vie culturelle et la sous-direction des formations et de la recherche est chargée “de définir et mettre en œuvre la politique du ministère visant à garantir l’accès de tous les habitants à l’offre et aux pratiques culturelles dans le respect des droits culturels1

A ce titre,

  • Elle anime et coordonne les politiques favorisant le développement des pratiques artistiques et culturelles des habitants dès le plus jeune âge et tout au long de la vie.
  • Elle élabore et cordonne la politique du ministère en matière d’éveil et d’éducation artistiques et culturels. Elle veille à garantir la participation des personnes en situation de handicap à la vie culturelle.
  • Elle conçoit et met en œuvre la politique en faveur des pratiques en amateur.
  • Elle assure l’animation et le suivi des réseaux des opérateurs dans son champ de compétence.
  • Elle coordonne les expérimentations, soutient l’innovation en matière d’accès et de participation à la vie culturelle et promeut les nouveaux usages liés au numérique.
  • Elle anime le dialogue interministériel et coordonne l’action des services déconcentrés dans son champ de compétence.
  • Elle assure la tutelle des organismes relevant de son périmètre.

C’est elle qui sera chargée de mettre en œuvre le nouveau programme budgétaire inscrit dans la loi de finances 2021 et qui bénéficie de 46 M€ de mesures nouvelles, précisément pour des actions en direction des enfants, des jeunes, des étudiants et des territoires.

Le ministère de la Culture a acté la scission du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » en deux programmes distincts, l’un dédié aux fonctions supports du ministère (actuel programme 224) et l’autre dédié aux politiques culturelles transversales du ministère (nouveau programme 361). Le programme 224 nouvellement intitulé « Soutien aux politiques culturelles » dans le PLF ne porte donc plus que sur les crédits dévolus aux fonctions de soutien du ministère.

Le nouveau programme 361 reprend la même dénomination que l’ancien programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la Culture » et intègre les actions suivantes :

  • Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle,
  • Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle,
  • Langue française et langues de France.

Il intègre également l’action “Recherche culturelle et culture scientifique” qui figurait précédemment dans le programme 186 et qui devient l’action 4 de ce nouveau programme.

Le programme 224 est rebaptisé « Soutien aux politiques culturelles ». Il conserve l’action 6 (action culturelle internationale), l’action 7 (fonctions de soutien du ministère) et les dépenses de personnel (titre 2 et compte d’affectation spéciale « Pensions civiles »).

Quelle place pour les Conservatoires ?

Cette nouvelle organisation se traduit également par un nouveau positionnement des établissements d’enseignement artistique au sein de la direction générale de la création artistique. Celle-ci comprend :

  • la délégation aux arts visuels ;
  • la délégation à la danse ;
  • la délégation à la musique ;
  • la délégation au théâtre et aux arts associés ;
  • la délégation aux politiques professionnelles et sociales des auteurs et aux politiques de l’emploi ;
  • la sous-direction des enseignements spécialisé et supérieur et de la recherche ;
  • la sous-direction des affaires financières et générales ;
  • l’inspection de la création artistique.

Selon les termes de l’arrêté relatif aux missions et à l’organisation de la DGCA, la sous-direction des enseignements spécialisé et supérieur et de la recherche est chargée, avec les délégations et l’inspection de la création artistique :

  • d’élaborer le cadre juridique et pédagogique de l’enseignement artistique spécialisé non professionnalisant ;
  • de concevoir et de mettre en œuvre la politique de l’enseignement ; supérieur et de la recherche dans les disciplines de la création artistique;
  • de participer à la définition territoriale de l’offre de formation.

Par ailleurs, dans le domaine de l’enseignement spécialisé, elle :

  • organise l’évaluation et procède au classement des conservatoires ;
  • définit et organise les cursus préparatoires à l’entrée dans l’enseignement supérieur de la création artistique.

On notera qu’il n’est pas fait référence à certaines des obligations qui figurent pourtant dans la loi relative à la liberté de création, architecture et patrimoine du 7 juillet 2016 et qui sont codifiées dans le Code de l’éducation, notamment celles portant sur la définition d’un schéma national d’orientation pédagogique, les qualifications exigées du personnel enseignant de ces établissements, l’organisation des examens du diplôme national et l’aide technique à l’élaboration du contrat de plan avec les régions.2

En matière de financement par l’État, les conservatoires susceptibles de pouvoir en bénéficier, ne le pourront que dans le cadre du nouveau programme 361. Si celui-ci reprend bien l’action Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle, il est désormais sous la pleine responsabilité de la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle nouvellement créée.

Le projet annuel de performance (PAP Culture) annexé au projet de loi de finances précise que “les moyens des conservatoires seront maintenus en 2021 à leur niveau de 2020 afin de faciliter l’accès du plus grand nombre de jeunes à un apprentissage de la musique et du chant choral (en lien avec l’objectif d’une chorale par établissement scolaire), de la danse, du théâtre ou des arts plastiques en temps scolaire ou sur le temps de loisirs en établissements classés. 21,3M€, montant consolidé sur la base du soutien programmé en 2020, seront destinés à renforcer les actions des conservatoires classés en faveur de la jeunesse et de la diversité ».3

Au vu des objectifs qui leurs sont ici clairement assignés pour pouvoir prétendre au soutien financier de l’État, n’aurait-il pas mieux valu que les conservatoires, dont la mission d’enseignement artistique spécialisé “constitue une composante fondamentale de l’éducation artistique et culturelle et un endroit essentiel pour la vitalité des pratiques artistiques et culturelles de nos concitoyens”4, soient intégrés à cette nouvelle délégation ?

La question peut paraître légitime au regard des deux premiers enjeux évoqués plus haut et auxquels elle devra répondre, tout en veillant à “mieux travailler avec l’ensemble des collectivités locales, tant au niveau national qu’au niveau déconcentré”.5

Des enjeux qui sont au cœur même des projets d’établissement de bon nombre des conservatoires, qu’ils soient classés ou non !

AA


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  1. Article 2 de l’arrêté du 31 décembre 2020 relatif aux missions et à l’organisation de la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle.
  2. Article L. 216-2 :”L’État procède au classement des établissements en catégories correspondant à leurs missions et à leur rayonnement régional, départemental, intercommunal ou communal. Il définit un schéma national d’orientation pédagogique dans le domaine de l’enseignement public spécialisé de la musique, de la danse et de l’art dramatique ainsi que les qualifications exigées du personnel enseignant de ces établissements et assure l’évaluation de leurs activités ainsi que de leur fonctionnement pédagogique. Il apporte une aide technique à l’élaboration du contrat de plan mentionné à l’article L. 214-13 et des schémas prévus au présent article. Il coordonne, au plan régional ou interrégional, l’organisation des examens du diplôme national prévu au présent article et délivre ledit diplôme”.
  3. S’ajoute également les aides individuelles (1,6 M€) pour le soutien aux pratiques artistiques des élèves de l’enseignement initial dans les domaines du spectacle vivant (musique, danse et théâtre).
  4. Circulaire aux DRAC du 10 mai 2016 dans le cadre du réengagement financier de l’État.
  5. Voir la lettre de mission.

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