26/04/2020
La nouvelle circule depuis quelques jours et suscite l’émoi dans le milieu professionnel de l’enseignement artistique, principalement celui des instrumentistes à vent et des chanteurs. Le Covid-19 pourrait également se propager via les « aérosols », ces gouttelettes ultra-fines que nous produisons à chacune de nos expirations !
L’appel lancé par 5 médecins pleinement mobilisés dans la lutte contre le coronavirus, passionnés de musique et dont trois d’entre eux sont clarinettistes ne passe évidemment pas inaperçu parmi les professionnels des conservatoires, alors même que ceux-ci s’interrogent très fortement sur les conditions d’une éventuelle reprise de leurs activités après le 11 mai ! Soulignant que l’utilisation de dispositifs médicaux générant des flux d’air importants est actuellement proscrite par les sociétés savantes, ces professionnels de la santé alertent sur le rôle que pourraient avoir les instruments à vent dans la propagation de la maladie, du fait d’une vaporisation de virus en quantités importantes, lors des phases de jeu instrumental. Le site de Médecine des Arts commente à son tour un article récent du Los Angeles Times allant dans le même sens mais à propos, cette fois-ci, de la pratique du chant choral.
Dans ces deux situations, il est d’abord question de pratiques collectives dont on sait qu’elles peuvent rassembler un nombre important de musiciens. C’est d’ailleurs cet aspect collectif que met en évidence également À Cœur Joie France dans son communiqué en date du 24 avril. Son conseil d’administration préconise de différer la reprise des activités de chant collectif en présentiel au… printemps 2021, ajoutant néanmoins que « cette échéance devra être réévaluée en cas de progrès plus rapide de la science, ou de survenance de méthodes permettant de garantir la sécurité sanitaire des pratiquants et du public ». Le communiqué semble toutefois ne pas exclure pas la possibilité de pratiquer aujourd’hui, à condition « d’envisager une adaptation importante » (respect des distances de sécurité avec une seule ligne de chanteurs en nombre réduit — moins d’une dizaine —, travail en plein air à privilégier, port du masque pour le/la chef/fe de chœur, …).
C’est une étude chinoise portant sur le rôle de la climatisation dans la propagation du coronavirus dans un restaurant qui viendrait accréditer cette thèse d’une possible contamination par les aérosols. Un conditionnel qui semble une fois de plus de mise dans cette pandémie, tant les avis scientifiques divergent actuellement sur la question, comme en attestent ces trois articles :
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Coronavirus : la transmission dans l’air, une question en suspens
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Coronavirus : la seule respiration pourrait suffire à transmettre l’infection à Covid-19
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Coronavirus : la climatisation peut-elle favoriser la propagation de l’épidémie ?
Si la propagation via les aérosols parait avérée à ce jour — une occasion de rappeler l’importance de l’usage du masque pour tout le monde —, les données scientifiques manquent encore pour établir avec certitude leur degré de contagiosité, l’hypothèse actuelle étant que la charge virale serait assez faible en définitive, ce qu’indique Daniel Camus, infectiologue à l’Institut Pasteur cité par Ouest France : « Pour le moment, la seule chose avérée, c’est qu’il existe un effet d’aérosol dans la chambre d’un patient malade. Mais il n’a pas été montré que les systèmes d’aération ou d’air conditionné présentaient un danger. Les charges virales sont probablement insuffisantes.«
Dans sa note du 25 avril, le Conseil scientifique souligne que « l’ouverture des établissements scolaires le 11 mai doit progressive, nationale tout en tenant compte des situations locales, doit s’intégrer dans une démarche expérimentale et continuer de s’adapter en fonction de l’évolution de la situation sanitaire« .
Que nous soyons professeurs ou directeurs/trices d’établissements d’enseignement artistique, nous voilà soumis à très rude épreuve quant à l’appréciation du risque et la définition du cadre des démarches expérimentales qui s’imposeront nécessairement, et cela, quelle que soit la date de reprise des enseignements dans les conservatoires !
« Faire confiance pour garder la confiance », conclut cette même note du Conseil scientifique.
L’occasion de faire appel à Paul Ricoeur pour qui la confiance se trouve toujours placée au cœur d’une théorie de l’action et constitue une croyance complexe, à la fois forte et fragile. Une fragilité qui s’exprime dans toute sa force aujourd’hui et qui traduit notre grande faillibilité, mais une force aussi, ciment de nos relations sociales et et qui renvoie aux formidables capacités de l’être humain.
« Croire que je peux, c’est déjà être capable »… disait-il.
Il faut garder courage !
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1 Comments
Bonjour Nicolas, merci de vos publications et de cette référence encourageante à Paul Ricoeur.
Bonne journée, bien cordialement,
Dominique
Dominique